Toponyme pléonastique
Un toponyme pléonastique est un toponyme qui comprend un pléonasme.
Origine
[modifier | modifier le code]Les toponymes les plus anciens concernent les principales singularités topographiques : les montagnes (oronymes) et les cours d'eau (hydronymes), et la façon la plus évidente de les nommer était de les appeler par leur nom générique : mont, vallée, eau, etc.
Au cours du temps, les langues changent, elles évoluent ou sont remplacées par d'autres. Par contre, les noms de lieux ont tendance à se maintenir, devenant ainsi des noms propres dont la signification échappe au plus grand nombre, on dit qu'ils sont délexicalisés. Ainsi, même si Ventoux a signifié « mont » dans une langue antérieure ou dans la même langue qui a évolué et dont le mot s'est perdu, on dira pourtant « le mont Ventoux ».
Oronymes
[modifier | modifier le code]Un grand nombre d'oronymes (noms de montagnes) sont en fait des redoublements « mont mont » et s'apparentent à des tautologies ; il existe même un triplet, Mongibello Mons :
- le mont Ventoux : Mont *Went-*tur
- Montcuq : Mont *Kukk[2]
- Montcalm (Ariège) : Mont *Kalm
- le Tuc de la Pale (Ariège) : *Tuk *Pal
- le Tüc Mail : *Tuk *Mal
- le Vignemale : *Went *Mal
- le mont Truc, en Haute-Savoie
- la Pène Male (Saint-Lary-Soulan, 65) : Pena *Mal (pyrénéen & fossile dravidien)[3],[4])
- le Soum Pène (Argelès-Gazost, 65) : Summus Pena (latin & pyrénéen)
- le Touron de Bène (1564 m, sud-ouest d'Argelès-Gazost, 65) : Tur Pena [précision nécessaire]
- le pic de la Munia (Piau-Engaly, 65) : Pic Muño (occitan & basque)
- le pic du Gar (Saint-Béat, 31) : Pic Garr (occitan & fossile basque)
- Garmendia : Garr Mendi(a) (fossile basque & basque récent)
- Eizmendi : Haitz Mendi (basque & basque)
- Mongibeddu (nom sicilien de l'Etna, transcrit Mongibello en italien) : Mons Djebel (latin et arabe)[5],[6]
- Mongibello Mons (une montagne sur Io) : un triplet (Mons et Mongibello ci-dessus[7])
- Djebel Amour (Sahara algérien occidental) : (arabe & tamazight)
- le tuc de Biscarrague (du gascon « sommet » et du basque « lieu des crêtes »)[8],[9]
- Saint-Puy déformation de Soum Puy « sommet sommet » (occitan & occitan)
- Puy-de-Serre (Vendée) du latin Podium de Serra, Puy (Podium) et Serre (Serra) désignant des montagnes ou des sommets
- Mont Puget (Provence) Puget est le diminutif occitan de puech, désignant une hauteur (du latin podium)
Autres exemples
[modifier | modifier le code]On note également les redoublements :
- Anse du Vicq « anse de l'anse » (français & vieux normand)
- Aix-les-Bains Aix signifiant « Eau » et « les bains » signifiant une ville d'eau
- La Balme-les-Grottes « grotte les grottes » (francoprovençal & français)
- Châteaudun « château forteresse » (roman & racine celtique dun)
- le col de Port « col du col » (français & gascon)
- le col de Cou « col de col » (français & francoprovençal)
- Le col du Bouchet dans le Queyras "Col du passage (col) secondaire (petit)".
- la forêt de la Londe « forêt de la forêt » (français & vieux normand)
- la forêt de Haye « forêt de la forêt », haye (> français moderne haie) avait aussi le sens de « forêt, lisière de forêt » en ancien français
- le Gué du Vey « gué du gué » (français & normand)
- Le Gué-de-Longroi « gué du long gué » (français & gallo-roman septentrional)
- le lac d'Oô « lac du lac de montagne » (français & gascon)
- le lac de Gaube « lac du lac » (français & gascon)
- le lac Léman « lac lac » (français & racine indo-européenne, peut-être celtique)
- le lac Tchad « lac lac » (français & kanouri)
- Oued Souf « rivière rivière » (arabe & tamazight)
- le río Ameca « rivière rivière » (Amecatl signifiant rivière en nahuatl[10])
- le Rubec « ruisseau du ruisseau » (français & vieux normand)
- le val d'Aran « val de la vallée » (roman & basque)
- Puente de Alcántara (plusieurs occurrences) « pont du pont » (espagnol & arabe)
- Latsa erreka (affluent de la Nive) « ruisseau ruisseau » (basque & basque)
- Canal de la Robine « canal du canal » (français & occitan)
- Port-Barcarès « port Port » (français & catalan roussillonais)
- le port du Hable « port du port » (français & ancien normand). Hable a la même origine que havre qui n'est qu'une variante phonétique, toutes deux altération de l'ancien scandinave hafn « port de mer »[11]
- le département des Côtes-d'Armor « côtes du bord de mer » (français et breton)
- le Golfe du Morbihan « golfe de la petite mer » (français & breton)
- L'Île-d'Yeu : Yeu est une évolution du germanique commun *aujō < *aʒwjō « (chose) sur , dans de l'eau », d'où « île » latinisé en Augia dans les textes. Il s'agit d'une formation adjectivale dérivée d’*aʒwō- « eau » < indo-européen *akʷa- « eau » (cf. latin aqua)[12].
Parfois un redoublement signale deux toponymes voisins ayant la même origine (par exemple frênaie), ou signale la présence d'un village et d'un hameau :
- Arsure-Arsurette ;
- Avanne-Aveney ;
- Bussus-Bussuel ;
- Épagne-Épagnette ;
- Fonches-Fonchette ;
- Fréchou-Fréchet ;
- Mailly-Maillet ;
- Hodeng-Hodenger ;
- Frontenay-Rohan-Rohan.
Le nom de la ville d'Aire-sur-l'Adour, pour sa part, assemble deux éléments désignant le même fleuve, le premier dérivant de sa forme latine (Atura) et le second correspondant à sa forme moderne (Adour)[13].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Marcellin Bérot, La Vie des hommes de la montagne dans les Pyrénées racontée par la toponymie, avec le concours du Centre régional des lettres de Midi-Pyrénées, 1998, Milan et parc national des Pyrénées (ISBN 2841137368).
- Ernest Nègre, Toponymie générale de la France : étymologie de 35 000 noms de lieux, vol. 1 : Formations préceltiques, celtiques, romanes, Genève, Librairie Droz, coll. « Publications romanes et françaises » (no 193), , 1869 p. (ISBN 978-2-600-02884-4, lire en ligne), n° 1105.
- André Cherpillod, Dictionnaire étymologique des noms géographiques, Masson, 1986, (ISBN 2-225-81038-9).
- T. Burrow and M. B. Emeneau, A Dravidian etymological dictionary, Clarendon Press - Oxford, 1984, (ISBN 0-19-864326-8).
- Gilles Lecuppre, « Rois dormants et montagnes magiques », Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, vol. 34, no 1, , p. 347 (DOI 10.3406/shmes.2003.1862, lire en ligne, consulté le ).
- (it) « Note di toponomastica, II. Categorie Toponomastiche, 3. Oronimi, nomi presi da montagne o rilievi. » [PDF], sur araldicacivica.it (version du sur Internet Archive).
- « Planetary Names: Mons, montes: Mongibello Mons on Io », sur planetarynames.wr.usgs.gov (consulté le ).
- Michel Morvan, Les noms de montagnes du Pays Basque, in Lapurdum, numéro 4, 1999, consulté le 20 décembre 2010.
- Michel Morvan, Noms de lieux du Pays basque et de Gascogne, Paris, Bonneton, , 231 p. (ISBN 978-2-86253-334-6), p. 44.
- (es) « Ameca », sur jalisco.gob.mx.
- Elisabeth Ridel, les Vikings et les mots : L'apport de l'ancien scandinave à la langue française, éditions Errance, Paris, 2009, p. 227 - 228.
- Dominique Fournier, « Élément -ey » in Wikimanche [1].
- Michel Morvan, Noms de lieux du Pays basque et de Gascogne, Paris, Bonneton, , 231 p. (ISBN 978-2-86253-334-6), p. 81.